31 juil. 2013

Le Nuage (34)

… Reconstitué l’assassinat du couple
Présidentiel grâce aux données Nuage
(VINGT-TROIS) le couple fait route vers l’Œil Rond
Pour assister à la libération
D’une centaine de délocalisés
Graciés (VINGT-DEUX) le temps est magnifique
Le président a fait décapoter
La limousine le convoi roule vite
Il est onze heures quarante et (VINGT-ET-UN)
Le convoi file et (VINGT) le président
Et son épouse ont pris place à l’arrière
De la seconde voiture devant eux
Le couple Oreste a pris place (DIX-NEUF)
À bord devant sont assis deux agents
La limousine (DIX-HUIT) est escortée
Par un 4x4 garni de huit agents
De protection précédant la voiture
Décapotable (DIX-SEPT) les drapeaux battent
Au vent glacial (SEIZE) le président
Sourit radieux et son épouse porte
Un tailleur rose (QUINZE) avec une toque
Sont acclamés (QUATORZE) par la foule
En liesse (TREIZE) le convoi ralentit
À deux reprises (DOUZE) elles s’arrêtent (ONZE)
Le président (DIX) salue des enfants
Des religieuses au bloc cent trente et un
Le convoi quitte la douzième avenue
Pour s’engager à droite puis à gauche
Sur la onzième (NEUF) la voiture passe
Devant l’immeuble des éditions scolaires
Le métro B est en vue le convoi
Prend direction de l’Œil Rond (HUIT) un coup
De feu éclate il est midi et quart
Le président s’affaisse sur les cuisses
De son épouse en état de choc et
Le repousse et (SEPT) bondit sur l’arrière
Du véhicule pour y saisir un bout
(SIX) de cervelle un agent saute à bord
Du véhicule et la fait se rasseoir
Un coup de feu (CINQ) retentit il est
Midi vingt-neuf elle tombe en avant
Touchée au cou l’auto présidentielle
Roule très vite (QUATRE) vers l’hôpital
Sur les trottoirs les badauds applaudissent
L’auto arrive à midi trente-six
À l’hôpital (TROIS) mais après treize heures
Les médecins disent le président
Et son épouse morts à l’arrivée (DEUX)
À treize vingt l’info est diffusée
Les corps sont mis dans un double cercueil
De bronze et d’or (UN) ensuite les corps
Sont inhumés (ZÉRO) quatorze trente
Oreste prête allégeance au Nuage

30 juil. 2013

Le Nuage (33)

… De l’assassin dont l’identité est
Tenue secrète est placée sous scellés
Électroniques les premiers éléments
Font apparaître un déséquilibré
(Paranoïaque tendance schizoïde)
Une heure quinze après l’assassinat
Du couple Égisthe depuis un stock de livres
Le forcené a tué un policier
Il était vêtu d’une chemise bleue
Après lecture des neuf cent soixante mille
Informations stockées par le Nuage
Le criminel a été condamné
À cent années de travail intensif
Conformément à la constitution
Il subira plusieurs prélèvements
De son sperme il aura des enfants
Lesquels paieront jusqu’au dernier centime

29 juil. 2013

Le Nuage (32)

— Par le Nuage nous pénétrons chez toi
Je suis Mentès — je vous sers un café ?
Dit Télémaque — tu es hors du Nuage
Es-tu malade ? [LE CHŒUR : les I.R.M.
Sont perturbés par les signaux émis
Par le Nuage il faut alors l’extraire
Du corps malade hors du consommateur
Lequel se voit délivrer une carte
Ne pas bannir : c’est un consommateur]
— Je suis en règle j’ai contacté ma banque
— Ne bouge pas — OK dit Télémaque
Déplacements toussotements silence
De dix secondes — merci ne bouge pas
Simple contrôle — oui je comprends vous je
Dites-moi vite dit Télémaque suis-je
Dit Télémaque — tu ne regardes pas
La chaîne info ? — jamais dit Télémaque
Ça me déprime Mentès met le Nuage
Sur le canal des infos criminelles

26 juil. 2013

Le Nuage (31)

Putain de geeks de la financière
Dit Télémaque n’ont pas perdu de temps
[LE CHŒUR SITUE : Ithaque logement
De Télémaque] Télémaque habite
Dans une barre de quatre-vingts étages
Son avenue est un luxueux canyon
Intellectuels et artistes en vue
Ont repensé un village où fleurissent
Les restaurants bars théâtres dancings
(La belle enseigne du Persil et Violette
Perce les arbres les prêcheurs sur cageot
Corans et bibles cassées cornées noircies
Jetées brandies les vendeurs de savon
L’Œil du Nuage la peur du choléra
Est ouest nord sud et les fils électriques
Dancing ouvert en matinée orchestre
Vivant salsa jazz rock’n’roll Elvis)
C’est le secteur d’Ithaque où tous les gens
Consommateurs et policiers se mêlent
Sans trop de heurts (le Persil et Violettes
Est un bar cool) Ithaque est d’une égale
Intensité le jour comme la nuit
Mais l’avenue semble ignorer jusqu’aux
Heures qui passent elle est le chant inouï
De l’origine l’aire des grands esprits
Aux vues perçantes on l’a dit la matrice
De ce qui vient du renouveau le ventre
L’œuf de l’espoir : c’est un pipshow énorme
Peuplé d’esclaves aux cerveaux cannibales

25 juil. 2013

Le Nuage (30)

— J’en veux des beaux des en pleine santé
Le capitaine les acheminera
Jusqu’à Ithaque par un drone escorté
Les citoyens se posent des questions
Sur nos méthodes notre management
Ils seront libres le temps que l’opinion
Les oublie tous en deux ou trois semaines
Ce sera fait nos équipes sur place
Discrètement les assassineront
Calypso pense : mes meilleurs éléments
Vont y passer ! puis se frotte la cuisse
Telle une fille prise en train de voler
— Je veux Ulysse sourit le président

24 juil. 2013

Le Nuage (29)

Ô toi Nuage sais-tu qu’il me faut dix
Mois pour former un collaborateur ?
Sais-tu Nuage que les hélicos volent
Des travailleurs hautement qualifiés
C’est du gâchis regrette Calypso
Le président sent venir l’érection
Oh Calypso te baiser dans les blés
J’aimerais tant pense le président

23 juil. 2013

Le Nuage (28)

Un zinc épand on dirait un insecte
Solide abeille et le soleil nous dit
Les noirs tumultes qui nous épient — Virgile !
Les Georgiques ! s’écrie le président
Un très beau texte ! Calypso te voici
Car il te faut préparer la prochaine
Libération de collaborateurs
J’ai décidé ! et Calypso frémit
Le capitaine ce fils de chien ce porc
Jour après jour ses collaborateurs
Saisit emporte à bord des hélicos
Et les balance à la mer mort atroce

19 juil. 2013

Le Nuage (27)

Le président a les yeux qui pétillent
[LE CHŒUR SITUE : résidence privée
Du président cabinet de travail]
La baie vitrée du cabinet de travail
Est à l’instant orientée sur les champs
Du blé partout c’est beau un champ de blé
La main du vent on dirait qu’il frissonne
Moins de cinq tonnes l’hectare les récoltes
Seront médiocres cette fois mais ainsi
C’est plus joli (quand la moisson atteint
plus de six tonnes rendement optimal
Soit donc le double de ce que produisait
La céréale avant la catastrophe
Les panicules sont si fournies que la tige
Ploie sous le poids la vue est déprimante)

18 juil. 2013

Le Nuage (26)

Je vais te dire se souvient Télémaque
Le monde entier est un hypermarché
Tout peut se vendre pourvu que le Nuage
Ait recensé un nombre suffisant
De gens voulant consommer le produit
Tel est le sens du Nuage [LE CHŒUR :
Tout est produit] l’idiot sait qu’il achète
Un vrai mensonge quand il paie un mensonge
Tout est vendable [LE CHŒUR : parfois on vend
La vérité C’EST LA DÉMOCRATIE]
La vérité et le mensonge sont
Vendus ensemble dans les rets du Nuage
Le paquet bleu ou le paquet rouge à nous
De faire un choix sexy ou pas sexy
L’article est-il pleinement stimulant
La vérité sait être stimulante
[LE CHŒUR COMMENTE : l’indignation c’est bon
Très lucratif] y a plus qu’à se servir
Comme on préfère alors dit Télémaque
Disant Laërte ne conteste jamais
L’ordre établi (tu créerais un produit
Supplémentaire) mais sache que pour être
Un idiot un vrai il faut l’être à fond
[LE CHŒUR CHUCHOTE : les imposteurs se font
Toujours avoir et ça fait très très mal]

17 juil. 2013

Le Nuage (25)

Être un idiot est une véritable
Bénédiction [LE CHŒUR : Ithaque logement
De Télémaque] dit Télémaque tout
Est modélisé pour l’usage des idiots
Passionnément le monde s’est dédié
À l’idiotie je crois que le Nuage
Est lui aussi une idiotie vivante
Je pense que (par un affreux hasard)
Notre système est devenu idiot
Gagner des sous faire du buziness
Ne requiert pas beaucoup d’intelligence
[LE CHŒUR ABOIE : quand on racontera
Notre siècle l’aimable clientèle
S’esclaffera ce monde se donnait
Pour seuls héros des hommes d’affaires ! Ouaf !]

16 juil. 2013

Le Nuage (24)

Le président se dresse sur la pointe
Des pieds regarde l’horizon argenté
De la mer grise — c’est un pas nécessaire
Les citoyens doivent comprendre que
C’est à ce prix qu’ils mangent et s’équipent
En biens high tech ce « MERCI » adressé
Aux déportés non collaborateurs
De nos usines est vital pour l’État
Convoquez-moi la presse les télés
Je vais gracier des collaborateurs
En fin de peine je vois la belle image
Des corps musclés sains et régénérés
Montant à bord de notre hélicoptère
Et au-dessus un simple et pur « MERCI »

15 juil. 2013

Le Nuage (23)

Les assesseurs regardent leurs souliers
À quatre mille — président c’est un peu
Déconcertant de remercier des gens
Qui ont été condamnés à payer
Par le travail leur dette au Nuage
Le citoyen qui ne sait réguler
Seul sa conso est un inadapté
Est un danger pour l’État pour lui-même
Quand le Nuage nous le délocalise
Dans les usines il lui offre déjà
La liberté de racheter ses dettes
Dans sa largesse le Nuage a [LE CHŒUR :
Stop ! c’est au chœur de dire entre crochets
L’info utile à notre clientèle
LE CHŒUR REPREND : le Nuage a fixé
Qu’une journée là-bas dans les usines
Correspondait au remboursement net
De huit cinquante unités monnétaires
Ces parasites sont nourris et logés
Bénéficient de soins appropriés
Grâce au travail ils peuvent rembourser
Trois mil par an et se sentir utiles]
— je crois savoir pourquoi vous préparez
Cette campagne de communication

12 juil. 2013

Le Nuage (22)

Le président voit une compagnie
De perdrix rouges perforer le ciel vide
— les gens parfois discutent se demandent
Ce que deviennent nos collaborateurs
Les gens spéculent pensent disparitions
On ne peut dire que ça remue beaucoup
Mais le Nuage n’oublie pas les boycotts
Du temps jadis — des collaborateurs
Réussiraient à envoyer des mails
Très alarmistes à nos consommateurs
C’est interdit ça met la confusion
Dans les esprits notre consommation
S’en ressent fort j’ai reçu du Nuage
Quelques données : il y a quatre mois
Le chocolat s’écoulait à raison
De trente tonnes par jour mais aujourd’hui
Les ventes baissent il ne s’écoule que neuf
Trente pour-cent de rendement perdu !
On me demande de réagir d’agir
Un grand « MERCI » voilà la solution
Vous Conseillers restez muets sans voix

11 juil. 2013

Le Nuage (21)

Mais le silence — non j’aurais tant aimé
Que l’un de vous me demandât pourquoi
Cette campagne de communication ?
Le président Égisthe est un homme
Un homme simple qui aime sont boulot
De président même à ce haut niveau
Régnant en maître il ne lui fut pas simple
De mettre en œuvre sa vision humaniste
Quand on dépense dix pour-cent du budget
En stratégies de communication
Il serait moche d’aborder le problème
En mots comptables — les collaborateurs
Seront bénis pour tout ce qu’ils nous donnent
Je fais un geste un mot qui vient du cœur
Bien sûr les gens sont des cons des abrutis
Mademoiselle biffez le dernier vers

10 juil. 2013

Le Nuage (20)

La résidence privée du président
Écostructure au matériau sensible
L’architecture s’adapte d’elle-même
Aux variations météorologiques
(À elles seules moissonnant davantage
De vies humaines qu’une année entière
D’assassinats ciblés prophylactiques
Certains auront le pourcentage en tête)
L’été dernier les quarante canards
Du petit parc sont morts en une nuit
Le président était bouleversé
— une strie blanche sera discrètement
Damasquinée dans l’azur stimulant
Du ciel de l’Est et je veux que « MERCI »
Soit comme un vol d’étourneaux sansonnets
Calligraphiant les pensées du Seigneur

9 juil. 2013

Le Nuage (19)

[LE CHŒUR SITUE : salon bleu résidence
Du président] sont là le président
Ses assesseurs derrière les vitres
Blindées bleutées dans le ciel — un « MERCI »
Typo très simple un « MERCI » franc sincère
Aucune emphase un bleu comme le ciel
Serait parfait donc « MERCI » la question
Des guillemets se pose petit mot
Sur ciel limpide et très bleu très immense
Et un nuage non nuage non non
Le terme est trop — une strie président ?
Comme ces trucs (l’assesseur Apollon
De part et d’autre de son visage frais
Mime le signe des guillemets anglais)
Qui apparaissent dans la masse du verre
Des stries lactées — combien vous paye-t-on
Cher Apollon ? sourit le président
Rires polis dans le petit salon
Les douze membres du Conseil tous regardent
Le bleu du ciel les vitres sont épaisses
(Un gros avion s’y écraserait sans
L’endommager) cela n’empêchera
Toutefois pas les canards du jardin
De s’y cogner de temps en temps hélas
Certains y laissent un crachat orangeâtre
Que l’épais verre garanti neuf cents ans
Par le Nuage mettra vingt-trois secondes
À digérer par bionettoyage

8 juil. 2013

Le Nuage (18)

Tu as le droit sais-tu d’être un idiot
Disait Laërte car l’idiot suit la voie

5 juil. 2013

Le Nuage (17)

Les martinets foncent en rase-mottes
Les martinets font des acrobaties
Plus gracieux que l’aéronavale
Ils sont agiles légers imprévisibles
Sa fille rit sa fille court s’écroule
De rire dans l’herbe et pousse un cri et
Le cri strident des oiseaux se formule
Sur les fenêtres (leurs piaillements longs
Très effilés entrent dans la cuisine
Laissent une trace tranchent net la pénombre)
Quels phénomènes ! Cent quarante kilo
Mètres par heure ! Non pas des aviateurs
Ce sont du ciel les cyclistes on dirait
D’une gymnaste rythmique le ruban
De satin on dirait la nage d’une
Otarie on dirait de vrais bolides
Deux petits gars jouent vroum joues bruit
Du dérapage [LE CHŒUR : rien plus pervers
Qu’un dictionnaire martinet la question
De son usage ne pas confondre avec
Une hirondelle plus petite moins sombre
Dotée d’un cou blanc bien qu’associée
Aux folles troupes dans le grand vélodrome
Des cieux rougis ne pas confondre avec
L’instrument pour corriger les enfants]

4 juil. 2013

Le Nuage (16)

Le capitaine chez lui n’est pas un monstre
Il est assis au jardin clair [LE CHŒUR :
Usine trois résidence des cadres]
Sa femme fume fait des volutes blanches
Sous le tilleul son fils fait un puzzle
Le capitaine regarde la poursuite
Des martinets dans le ciel transparent
Les martinets fusent chassent l’insecte
Ultrarapides font des montagnes russes
Dans l’air serein et très légèrement
Phosphorescent de la fin de journée

3 juil. 2013

Le Nuage (15)

Il m’a brisé les reins Antinoos
Dit Télémaque [LE CHŒUR : Les labels bio
Signés Nuage sont de vrais canulars]
Les ménagères d’une seule voix dirent :
Indignation ceci est révoltant
On présenta un grand projet de loi
Dit Télémaque pour moraliser le
Bizness [LE CHŒUR : oui plus de transparence !]
Si la machine est transparente c’est
Dit Télémaque sûr ça doit en jeter
[LE CHŒUR FREDONNE : toute la vérité !]
La vérité dit Télémaque on s’en
Fout hé hé est-elle stimulante ?
Dit le Nuage : Vérité est un bien
De conso type : y a-t-il un marché ?
Notre problème c’est la gestion des flux
[LE CHŒUR FREDONNE : Vérité est-elle Sex ?]
Est-elle belle sexy dit Télémaque
Consommateur le marché te stimule
Il confectionne ta liberté [LE CHŒUR :
DÉMOCRATIE !] Laërte me disait
Dit Télémaque : un jour il te faudra
Être un idiot si tu veux fils survivre

2 juil. 2013

Le Nuage (14)

Je vois ses yeux se remplir de chagrin
Son front blanchir comme un cierge de Pâques
Ses joues virer au verdâtre purin
Juste le temps de reculer la tête
Et c’est ainsi qu’Eurymaque arrosa
Le premier rang des déléguées [LE CHŒUR :
Un vrai merdier du vomi à gogo]
Une rombière dit Télémaque fit
Porter un bout de vomi au labo
Le labo vit une dose anormale
De fragments d’os dans la barbaque bâfrée
[LE CHŒUR S’ÉCRIE : aussitôt la fédé
Très remontée cria boycottage !]

1 juil. 2013

Le Nuage (13)

J’avance donc dit Télémaque les
Yeux dans les yeux d’Eurymaque les gardes
Ont le signal me laissent approcher
Le fier héros par Dieu putain de guigne
Je valse sur une flaque de bave
Heurte le ventre du champion rassasié
Plein à ras bord de burgers merdifiés
Bien lesté coi le gars reste d’aplomb
Dit Télémaque je me remets d’aplomb
Le félicite pour sa très bonne assiette
(Pas vraiment sûr qu’il ait compris la blague)