Twiliade

à suivre sur @StephaneNappez

Twiliade est une tentative de réécriture de l’Iliade en 140 tweets. La contrainte des 140 signes maximum (chaque tweet pouvant «résumer» plusieurs centaines de vers) ouvre pas mal de perspectives, pas mal de pistes de lecture.
Mais sur quel aspect de l’œuvre mettre l’accent ? Quel «angle»? comme disent les journalistes.
Pour cette première expérience, j’ai pris l’angle qui m’est apparu le plus évident. Celui de la violence, de la colère, mais aussi, celui de la délicatesse.
Homère sait comment fonctionne le cerveau humain, cela ne laisse aucun doute. Il sait que, pour faire exister tel aspect d’un récit, il lui faut l’insérer dans un environnement diversifié, le situer, le juxtaposer à d’autres aspects sans rapport direct ; il lui faut créer une mise côte à côte dont le contraste, la proximité, ferait de chaque aspect recherché (la violence, la délicatesse) un surgissement s’imposant aux yeux du public comme le reflet plus vrai que nature d’une expérience personnelle du réel. 
La couleur de la violence inouïe d’Achille, lors du meurtre d’Hector, serait en tous points différente si elle ne jouxtait pas l’infinie délicatesse qui domine la rencontre du même Achille avec le vieux Priam venu lui réclamer le corps d’Hector, son fils aimé.
Cette mise en situation fonctionne comme dans la théorie des couleurs de Chevreul (loi du contraste simultané des couleurs).
Pour Chevreul (Michel-Eugène), il n’y a pas de couleur locale, la couleur d’un objet dépend de celle des objets qui l’environnent. Chevreul était un type extraordinaire, ceci dit en passant. Il est mort à 103 ans et fut un savant aussi pointu que diversifié. Il a étudié l’urine de chameau, le mouvement des poussières, la cuisson de la viande de bœuf, la nature des corps gras (il est l’inventeur de la margarine) et la synthèse du savon. La loi du contraste simultané des couleurs est toujours en vigueur, si j’ose dire, plus de 170 ans après sa découverte.
Mais je reviens à Homère. J’ai choisi l’angle de la colère et de la violence, mais aussi celui de la délicatesse, disais-je. La délicatesse crée, chez Homère, un contraste simultané qui donne à la violence décrite une couleur des plus frappantes.
J’aurais, cependant, tout aussi bien pu choisir l’angle purement sentimental du récit. D’ailleurs, tout récit est par essence «sentimental». Du moins, les textes fondateurs d’Homère nous le laissent-ils penser. L’Iliade ne fait que raconter, en fin de compte, que l’histoire de types très très en rogne parce qu’un autre gars leur a piqué leur copine. L’Odyssée ne fait que raconter, de la même façon, que l’histoire d’un type qui s’égare de maîtresse en maîtresse (chacune lui promettant le top de ce qu’un homme antique peut espérer de l’existence) avant de retourner chez sa femme, pour finir ses jours, anonyme et heureux.
J’aurais aussi pu choisir l’angle humoristique. Car Homère est drôle. Du moins, une certaine façon de le lire peut être drôle. Dans l’Iliade, dieux et hommes ne cessent de tenir conseil. Bref, ce sont des gens qui passent leur temps à faire des réunions. Comme dans la vie de bureau. Et ce sont bien souvent des réunions qui ne servent à rien… Comme dans la vie de bureau.
Peut-être faudrait-il aussi s’attaquer, un jour, à une Twiliade «au bureau»…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire